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Baux dérogatoires successifs : les nouvelles dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014

Chrystel DILOY |  12 novembre 2020 |  , , , ,

 
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diloycdy@hotmail.com

Les baux dérogatoires successifs génèrent des difficultés notamment depuis la loi Pinel du 18 juin 2014 : comment procéder au calcul de leur durée ?

Baux dérogatoires et baux dérogatoires successifs : les nouvelles dispositions de la loi Pinel :

La loi Pinel du 18 juin 2014 contient de nouvelles dispositions concernant les baux dérogatoires successifs. Ces dispositions s'appliquent également aux baux dérogatoires. Ce faisant, ladite loi apporte donc des modifications à l'article L. 145-5 du Code de commerce.

Ainsi, les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux. Il existe toutefois une condition. La durée totale du bail ou des baux dérogatoires ne doit pas être supérieure à trois ans. Ladite durée court dès le premier bail dérogatoire. Le renoncement à l'application du statut des baux commerciaux demeure sans effet. Tel est le cas même si ce renoncement intervient à l'issue de chaque bail dérogatoire.

La loi Pinel porte donc la durée du bail dérogatoire de deux ans à trois ans. Ce faisant, le législateur offre aux locataires la possibilité d'évaluer la viabilité de leur entreprise avant de conclure un bail commercial. A l’expiration donc de cette durée de trois ans, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail pour exploiter le même fonds au sein des mêmes locaux. Si le preneur reste en possession des lieux, un nouveau bail existe mais il relève du statut des baux commerciaux.

Il convient toutefois de noter que dans le cas d'une location à caractère saisonnier, les précédentes dispositions ne s'appliquent pas.

 

Illustration jurisprudentielle concernant la conclusion de baux dérogatoires successifs : la position de la Cour d'appel de Bordeaux

La Cour d'appel de Bordeaux s'est prononcée sur la conclusion de baux dérogatoires successifs. Dans cette affaire, un entrepreneur en commerce de gros de boissons conclu avec un bailleur plusieurs baux dérogatoires portant sur un même local. Durant ces différents baux, c'est le même fonds de commerce que ledit entrepreneur exploite. Il renonce également se à se prévaloir du statut des baux commerciaux lors de la signature de chaque bail dérogatoire.

Puis ledit bailleur refuse de consentir un nouveau bail. Le locataire revendique alors le statut des baux commerciaux. Le bailleur l'assigne dès lors en expulsion. Ladite Cour d'appel accède à la demande du bailleur. Elle considère que le locataire n'a pas acquis la propriété commerciale. Elle retient que les parties ont conclu un bail dérogatoire le 1er juin 2013, d’une durée de 24 mois. Elle retient encore l'existence d'un nouveau bail dérogatoire le 1er juin 2015, d’une durée de 12 mois. Or, à la date du 1er juin 2015 – date du second bail dérogatoire – la loi Pinel est applicable.

La Cour d'appel juge alors que la durée globale des baux successifs n’excède pas la durée maximale de trois ans. Selon ladite Cour, l'occupation des lieux avant le 1er juin 2013 ne peut pas être prise en compte, la loi Pinel du 18 juin 2014 n'ayant pas d'effet rétroactif.

La position de la Cour de cassation : la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux

La Cour de cassation, suite au pourvoi formé par l'entrepreneur en commerce de gros de boissons, casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux. Le locataire soutient en effet qu'il justifie d'une entrée dans les lieux depuis au moins trois ans.

La Haute juridiction considère que ladite Cour d'appel a violé le texte de l'article L. 145-5 du Code de commerce. En effet, le premier Juge a constaté que le locataire justifie d’une entrée dans les lieux antérieure au 1er juin 2013. Il en résulte donc que ledit preneur a acquis la propriété commerciale à la date du 1er juin 2016.

La Cour de cassation précise encore que l’entrée dans les lieux du preneur s’entend de la prise de possession initiale du local. Dès lors, la prise de possession existe au premier jour du premier des baux dérogatoires successifs.

 

Quelles sont les modalités de calcul du délai de trois ans prévu par l'article L. 145-5 du Code de commerce ?

Pour procéder au calcul du délai de trois ans prévu par l'article L. 145-5 du Code de commerce, il a lieu de cumuler la durée des différents baux dérogatoires successifs. Bien entendu, ces baux doivent viser le même fonds sis au sein des mêmes locaux. Ledit délai court donc à partir de la date d'effet du premier bail dérogatoire.

Pour une décision concernant la conclusion d’un bail commercial, on peut consulter notre article.

 

Principaux textes et décisions

 Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, JO 19 juin 2014

Article L. 145-5 du Code de commerce

Cass. civ. 3ème, 22 oct. 2020, n° 19-20.443, Caveau des Vins c/ SCI La Cadène, publié au Bulletin

CA Bordeaux, 4ème Ch. civ., 29 mai 2019

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