Bail commercial et loi Pinel : certaines clauses d'un bail commercial peuvent-elles être réputées non écrites ?
Chrystel DILOY | 8 janvier 2021 | Bail, Bail commercial, clause réputée non écrite, loi Pinel, prescription, Restauration, Restauration rapide, révision du loyer

Le bail commercial a été modifié par la loi Pinel : la Cour de cassation se prononce sur les clauses réputées et non écrites et la question de la prescription.
La Cour de cassation se prononce sur deux questions juridiques d'importance – Le rappel des faits portant sur un bail commercial destiné à la restauration rapide :
La Cour de cassation, par un important arrêt, se prononce sur deux questions d'importance. Celles-ci concernent la question des clauses réputées non écrites et celle de la prescription. Quelles sont ces questions concernant les clauses » illégales » qui ont été insérées au sein d’un bail commercial ?
Un bref rappel des faits, concernant un bail commercial au sein duquel est exploitée une activité de restauration rapide, permet de mieux appréhender la teneur du litige.
Une SCI donne en location à une entreprise de restauration rapide, des locaux commerciaux. Ce bail commercial est conclu avant la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel.
Puis la SCI donne congé à son locataire avec offre de renouvellement du bail, moyennant un loyer annuel en principal de 86 000 euros. Le loyer du bail renouvelé est fixé judiciairement à la somme annuelle de 57 970 euros en principal.
Enfin, ladite SCI délivre au locataire un commandement de payer une certaine somme au titre des loyers et charges dus depuis plusieurs mois. Et elle l'assigne en référé en acquisition de la clause résolutoire. Cette clause est acquise puis la décision qui en a décidé ainsi est cassée.
C'est alors que la société locataire assigne à jour fixe la SCI aux fins notamment de voir :
- déclarée non écrite la clause de révision du loyer du bail ;
- accordée la suspension des effets de la clause résolutoire.
Ainsi, la société locataire conteste les clauses du bail commercial. Bien entendu, la SCI soulève l’irrecevabilité des demandes de son locataire.
La Cour d'appel de Paris rejette les demandes de la SCI propriétaire.
Bail commercial et loi Pinel : à partir de quand s'applique la sanction relative au caractère non écrit d'une clause ?
La loi Pinel du 18 juin 2014 a modifié l'article L. 145-15 du Code de commerce.
Ainsi, les clauses d'un bail commercial contraire au droit des baux commerciaux sont réputées non écrites. Cette sanction concerne notamment les clauses tendant à faire échec au droit au renouvellement du bail commercial. Auparavant, soit avant l'entrée en vigueur de la loi Pinel, elles étaient nulles.
Cette sanction de la clause réputée non écrite concerne les baux conclus ou renouvelés depuis le 20 juin 2014. En effet, il s'agit de la date d'entrée en vigueur de la loi Pinel.
Mais dans notre affaire, la SCI soutient alors que les baux conclus avant la loi Pinel demeurent soumis à la loi ancienne en vigueur à la date de leur conclusion. Tel est le cas à défaut de considérations d’ordre public particulièrement impératives. Selon donc ladite SCI, la Cour d'appel a violé l’article L. 145-15 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à ladite loi.
Or, la Haute Juridiction décide que la loi Pinel est applicable aux baux en cours. Il s'agit des baux en cours lors de l'entrée en vigueur de ladite loi. En conséquence, est recevable une action pour voir réputée non écrite la clause du bail relative à la révision du loyer. A condition, bien entendu, qu'elle soit formée après l’entrée en vigueur de la loi Pinel.
Que est le délai de prescription applicable à la sanction du réputé non écrit ?
L'action en nullité concernant une clause contraire au statut des baux commerciaux doit être engagée dans un délai de deux ans (C. com., art. L. 145-60). Ce délai de prescription donc de deux ans court à compter de la signature du bail.
Dès lors, dans notre affaire, la SCI soutient que l'action pour faire déclarer non écrite une clause se prescrit dans ledit délai. Ainsi, ladite SCI tente de faire échec à la sanction du réputé non écrit.
Cependant, la Cour de cassation décide du contraire. Ce faisant, elle consacre le principe selon lequel une clause réputée non écrite est logiquement censée n'avoir jamais existé. En conséquence, l'action tendant à voir une clause réputée non écrite est imprescriptible.
La SCI propriétaire des locaux est condamnée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ailleurs et s’agissant, par exemple, de la question de la répartition des travaux entre le bailleur et le locataire depuis la loi Pinel, on peut consulter notre article.
Textes et décision
Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, JO 19 juin 2014
Articles L. 145-15 et L. 145-60 du Code de commerce
Cass. civ. 3ème, 19 nov. 2020, n° 19-20.405, publié au Bulletin, Légifrance
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